Changer : méthode

Edouard Louis

Seuil

  • Conseillé par (Libraire)
    24 septembre 2021

    Édouard Louis est un héros balzacien. Moitié Rastignac, moitié Rubempré, il réactive à travers son parcours de vie toute une histoire française, sociale, politique et sexuelle dont nous sommes les produits à notre corps défendant. Car le constat est bien le suivant : depuis le XIXe siècle, la société française est plus que jamais une société de classes, violente, injuste et aussi retorse avec ceux qui acceptent cet état de fait qu'avec ceux qui tentent de s'y opposer. Sans aucun doute, Édouard Louis aura expérimenté dans l'urgence toutes les embûches de l'ascenseur social et connut l'espoir, l'euphorie puis le désenchantement. L'on n'oubliera pas que certaines personnes, certaines rencontres peuvent infléchir un chemin pour le meilleur ou pour le pire. On lira dans son livre que le hasard ou la chance qui vont de pair ici avec une détermination rare auront eu leur part dans le parcours d'Édouard Louis. Ce qui frappe, c'est l'extrême plasticité du personnage tant sur le plan physique que sur le plan intellectuel; sa capacité à s'adapter à une situation, à un milieu, à en copier les usages et les postures au détail près, dans cette quête obsessionnelle du changement. Édouard Louis est passé maître dans l'art de se réinventer en permanence pour échapper à son déterminisme initial. Au risque de se noyer dans la nasse, il n'aura eu de cesse de ramasser sa force pour s'en libérer. Ce fut une question de survie. Et s'il faut trahir pour y parvenir, il s'agit envers et contre tout de poursuivre cette fuite en avant quitte à en éprouver des remords par la suite. On ne peut être loyal lorsqu'on déclare la guerre. Édouard Louis a mené cette guerre contre un destin imposé et plus sûrement contre lui-même. Les survivants savent se fondre dans le décor, prendre la couleur grise des décombres, ils savent aussi à leur tour prendre les armes : à leur manière, ils attendent le moment venu pour sauter à la gorge quand ils ne furent longtemps qu'une proie prétendument consentante. Pour cela, il faut longuement, patiemment élaborer une méthode, il y faut beaucoup de courage et de désespoir, d'intelligence et de calcul, d'illusions perdues et de rage. Et quand bien même le retour serait impossible car nous ne sommes plus la même personne, le cuir épaissi, la maturité aidant, comme Édouard Louis, nous avons eu besoin de cette douloureuse échappée, de vivre la solitude du coureur de fond, pour enfin prendre la plume et témoigner.


  • Conseillé par
    29 octobre 2021

    Coup de cœur de la chouette

    Edouard Louis continue de tracer son sillon : celui d'un transfuge de classe. En s'adressant à son père puis à sa meilleure amie du lycée, il explique ici en détail pourquoi et comment il a cherché à changer pour fuir son village natal puis Amiens, avec pour résultat une élévation sociale et une liberté dont il est fier mais dont il revient, également. Le récit-essai qui complète avec force ses précédents livres.


  • Conseillé par
    21 octobre 2021

    Un récit à découvrir

    A presque trente ans, Édouard Louis en a peut-être fini avec cette rage de changer, de quitter, de fuir qui l’obsède dès qu'il a pris conscience de sa différence et qu'elle la rejette

    Le récit autobiographique, Changer : méthode, témoigne de blessures qui forcent l'enfant puis le jeune adulte à refuser son statut social et le détermine à tout tenter pour le quitter et pour s'en construire littéralement un autre en imitant les caractéristiques de chaque classe sociale qu'il a fréquentée. Puis, enfin, arrivée dans les palaces cinq étoiles, avec des voyages dans le monde entier, Édouard Louis comprend combien son ambition est vaine puisqu'il n'est que ce qu'il est !

    Car dans Changer : méthode, Édouard Louis explique toute la honte qu'il a ressenti vis à vis de son milieu social. Mais cette honte dirigée vers ses parents est en fait celle qu'il ne pouvait diriger vers lui-même sans se perdre complétement. La scène du dentiste, ou d'autres, sont édifiantes de ce corps, malgré tous les maquillages dont on le pare, qui témoigne de ses origines sociales.

    Depuis qu'il écrit, Édouard Louis ne cesse de dénoncer la violence de classe. Celle qui assigne à la place que la société a donné une fois pour toute. Et, il a eu beau tenter d'imiter la démarche, la voix, le vocabulaire, et même la façon de respirer, il reste à jamais ce petit gars de son village de Picardie obligé par sa mère d'aller à l'épicerie quémander la nourriture avec la promesse de payer bientôt !

    La suite ici
    https://vagabondageautourdesoi.com/2021/10/21/edouard-louis/