Deux pages au format A5
Une enquête est menée par un commissaire et une policière sur des crimes comportant des similitudes de mise en scène à plusieurs années d’intervalle.
Un thriller authentique et humain, porté par des personnalités dont les non-dits raisonnent plus fort que les propos.
Par les situations, les dialogues et la psychologie de ses personnages, l’auteur se rapproche de la corde sensible, renforçant l’immersion du lecteur.
La narration, dépourvue de démesure, aborde les sujets noirs de front, gardant une juste dose de sentiments. Elle nous révèle une juridiction suédoise plus nuancée que la nôtre sur le sujet concerné.
Ce thriller nordique s’avère addictif, l’intrigue et son suspense bien menés, le dénouement cohérent.
« Céder n’est pas consentir. Parfois, le silence est la seule arme ou le seul bouclier à portée de main ».
« Même si vos récits ressemblent à de minuscules archipels de mots séparés par des océans de silence, continuez. »
Baby Espionne
L’écrivaine américaine s’inspire de l’affaire de Tarnac (2008), cette arrestation retentissante de militants gauchistes français ayant, en autres, saboté des lignes TGV. Elle transpose cet évènement dans une intrigue où son personnage principal, Sadie Smith, une agente infiltrée, s’introduit dans cette communauté d’éco-activistes pour mieux les compromettre de l’intérieur.
Si le suspense de l’intrigue et le mystère entourant l’agente infiltrée constituent les points forts du récit, l’intensité narrative se dilue parfois dans des intermèdes documentaires. Ces passages, bien que riches et érudits (réflexions sur l’évolution humaine, références et figures historiques), freinent quelque peu le rythme.
"Mes années passées à mener des vies qui n’étaient pas la mienne m’avaient conditionnée, et je ne me préoccupais pas le moins du monde des espaces dans lesquels j’habitais… »
« Ce sentiment était le mien, même si j’étais spectatrice, même si j’observais d’en haut, du plafond de cette chambre que j’allais bientôt quitter à jamais, tout comme j’allais quitter cette factice vie »
La grande fête
Kali et Ponna, un couple de paysans établi dans le sud de l’Inde, ne manquent de rien sauf d’une progéniture qui tarde à venir. Bien que comblés par leur amour mutuel, ils se trouvent submergés et humiliés par la pression d’un village de tabous et de traditions.
À travers une description minutieuse de la vie rurale tamoule, l'auteur explore les conséquences néfastes de l'infertilité dans une communauté où la descendance détermine la valeur d’un mariage.
Ce drame social met en lumière la cruauté des normes établies, les contraintes imposées par le système des castes et les hypocrisies d'une société qui privilégie les conventions au détriment des sentiments amoureux.
Le lecteur partage l’appréhension croissante des personnages pris dans une situation qui leur échappe.
Avec sensibilité et bienveillance, Murugan relate des faits inspirés de réalités vécues.
Bien que quelques maladresses puissent résulter de la traduction, elles n'entament en rien la force de ce roman bouleversant au dénouement dévastateur.
« Leurs deux corps ne faisaient qu’un. Voilà dix ans que celui de Ponna s’imprégnait de son odeur. Chaque atome de sa femme lui appartenait. »
« On a peur surtout dans des lieux connus, en présence des visages habituels. On vit dans le peur du qu’en dira-t-on et la crainte des faux pas. Impossible de faire quoi que ce soit selon son désir… »
Retour au Louvre
Le Panier de fraises des bois, nature morte réalisée en 1761, est aujourd’hui considéré comme un « trésor national » au Louvre.
Alain Vircondelet retrace non seulement le parcours de ce tableau, mais aussi la personnalité de son créateur, Jean Siméon Chardin, porté sur la nature morte aux tons veloutés, fasciné par la profondeur des choses, apte à l’introspection pour progresser. Il savait que peindre une nature morte exigeait rapidité et précision, car, bien que figés, ces éléments continuent de vivre, de vieillir, flétrir, faner …
Jean Siméon Chardin, reconnu et respecté pour ses natures mortes, menait une vie empreinte de sérénité et de rigueur entre son atelier au Louvre et ses promenades le long de la Seine.
Pour finir, A. Vircondelet enrichit son analyse en réunissant d’autres points de vue d’auteurs célébrant chacun à leur manière le talent du peintre.
« Personne n’a mieux que lui la magie du clair-obscur »
« Deux principes majeurs gouvernaient J.S Charin : la justesse et la vérité de la vision. Le panier de fraises qu’il avait chaque jour sous les yeux, jusqu’à ce que les fruits s’altèrent, régnait dans sa propre évidence, s’imposait au regard, exerçait peu à peu son sortilège…. »
.... pour bien faire ?
Parfois empreintes d’une douceur moralisatrice, parfois élogieuses, les réflexions de Lola Lafon se déploient sous la forme de courts textes et anecdotes personnelles. Avec une grande sensibilité, l’autrice s’engage sur des valeurs essentielles : l’amitié, le dialogue, le mouvement… Elle défend la vieillesse avec une émotion palpable et un profond respect, honore et illumine les femmes…
Un récit qui voudrait « sauver les mots de l’impuissance du langage », prônant l’acceptation, mais aussi un vibrant appel à la paix et à la vie… Certains chapitres semblent vouloir redonner vie à des concepts abîmés par l’usage quotidien…
Lola Lafon mêle habilement la réflexion philosophique à nos fragments de vie.
Lumineux et humain.
« L’écriture est sœur du silence et du vacillement. Elle naît du non-dit et se fabrique à bas bruit. Peut-être permet-elle de reprendre : un tracé, son souffle, la route. On y était si seule, avant de l’écrire. «
« On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. Mais on pourra dire qu’on ne savait pas quoi faire de ce qu’on savait. »
« Mon chien, à qui je n’ai jamais réussi à apprendre quoi que ce soit, m’a appris, lui, que ne plus être admirée est peut-être une liberté retrouvée. Il m’a appris que ceux qui se détournent des êtres vieillissants sont déjà presque morts… »