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15 janvier 2011

Dominique Sylvain. L'absence de l'ogre

Une jeune rockeuse gothique est assassinée à Paris dans le parc Montsouris. Les soupçons se portent sur un jardinier Bernard Morin, bâti comme un ogre, qui est aussi recherché par la police de la Nouvelle Orléans pour meurtre d'un de ses amis. Aux Etats-unis, il se nommait Brad Arceneaux. La jeune et obstinée Ingrid Diesel, masseuse le jour et strip-teaseuse la nuit, est persuadée de l'innocence de Brad-Bernard. Celui-ci l'a tiré des griffes de sauvages agresseurs quinze ans auparavant dans la capitale de la Louisiane. Ingrid arrive à convaincre son amie l'ex-commissaire Lola Jost de démasquer avec elle le vrai coupable. Qui peut être le véritable assassin de la rockeuse ? Qui a tué l'ami de Brad- Bernard aux Etats-unis ? Existe-t-il un lien entre les deux affaires ? Autant de questions que doivent résoudre les deux femmes.
La lecture de "L'absence de l'ogre" m'a laissé sur une impression mitigée. Dominique Sylvain ne maîtrise pas totalement son intrigue complexe. Celle ci part dans de multiples directions, parfois sans véritable résolution. Le dénouement bien rapide n'est guère satisfaisant, décevant. Il semble qu'aux yeux de Dominique Sylvain l'histoire soit totalement secondaire, une occasion de faire évoluer ses personnages dans des lieux aimés, Paris ou la Nouvelle Orléans après le passage de l'ouragan Katrina. Le talent de Dominique Sylvain tient à sa faculté à faire vivre des personnages hauts en couleur, à créer de véritables atmosphères, à la qualité des dialogues relevés souvent cocasses. Le couple Ingrid-Lola est particulièrement réjouissant. A priori tout devrait opposer les deux femmes: l'âge, le physique, la situation sociale, le langage….mais l'amitié fait fi de tout cela.

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31 décembre 2010

Les terroristes De Maj Sjöwall, Per Wahlöö

Une nouvelle fois les deux auteurs font preuve d'une grande maîtrise pour entrelacer différents récits. Le commissaire Martin Beck est amené à témoigner dans un ubuesque procès d'une jeune fille accusée de braquage à la suite d'une enquête bâclée. Il doit résoudre le meurtre d'un immonde producteur de films porno retrouvé mort chez sa maîtresse. De plus il se voit chargé d'assurer la sécurité d'un Sénateur américain en visite à Stockholm que des terroristes ont décidé d'éliminer.
Ce dernier des dix romans des deux auteurs est certainement le plus critique à l'égard de la vie politique et sociale suédoise et occidentale. Rhea, la compagne de Beck, est en majeure partie le personnage porte-parole des auteurs elle déclare: "La social-démocratie suédoise a trompé les gens pendant des années grâce à une propagande fallacieuse. En vérité, elle représente les intérêts capitalistes et une clique de gros bonnets qui ont pour mission de contrôler une grande partie des travailleurs. C'est un crime contre le peuple, contre tous les individus qui vivent dans le pays. Et maintenant, la police est également complice de ce crime."
Et par la voix d'un atypique avocat Braxèn, S&W ajoutent :."..les nations les plus puissantes du bloc capitaliste ont été gouvernées par des personnes qui, selon les normes juridiques consacrées , sont purement et simplement des criminels." Les auteurs n'hésitent pas à associer les noms de présidents américains Harding, Coolidge et Hoover à ceux de Hitler , Mussolini ou Franco.Il faut se souvenir du contexte historique lors de la sortie du livre en 1975. Les Etats-Unis ne sont pas pour une partie de l'opinion mondiale le pays de la liberté. Les américains sortent affaiblis de la guerre du Vietnam, leur image est aussi ternie par leur soutien au coup d'état de Pinochet au Chili. Dans le roman la visite d'un sénateur américain conservateur et militariste déclenche des mouvements de protestation en Suède mais aussi dans l'ensemble des pays scandinaves.
La conclusion du livre est laissée à l'ex-flic Kollberg qui s'adresse à son ami le commissaire Martin Beck :
"Ton seul malheur, Martin, c'est que tu t'es trompé de boulot. Et d'époque. Et de partie du monde. Et de système."

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10 décembre 2010

L'assassin de l'agent de police. M.Sjöwall. P.Wahlöö.

En Scanie, dans le sud de la Suède, une femme est étranglée par un homme qu'elle connaissait. A Stockholm, le commissaire Beck et son adjoint cherchent à piéger Limpan un dangereux malfaiteur. Dans un quartier périphérique de la ville, une patrouille de police tente d'arrêter deux jeunes malfrats. Une fusillade éclate. Le bilan est lourd, un truand est tué. Deux policiers sont gravement blessés, un troisième agent décédera quelques temps plus tard. En apparence toutes ces histoires semblent n'avoir aucun rapport entre elles, mais le jeu du hasard et des rencontres en décide autrement.
Une nouvelle fois les auteurs S&W construisent habilement un récit passionnant en donnant une réelle épaisseur à leurs personnages. Le commissaire Beck semble plus heureux que dans les récits précédents, il a rencontré une âme soeur lors de sa dernière enquête (La chambre close). Lorsqu'il débarque en Scanie, il découvre une autre police faite de contacts humains. Njöd, le responsable local est un célibataire endurci, un homme jovial, sympathique, qui préfère arpenter la campagne que les rues de la ville. Kollsberg déprime, il ne supporte plus l'évolution de la Police, devenue force répressive, qu'il considère à l'origine du développement de la violence. Il décide de quitter la police sa lettre de démission est une charge contre l'institution, elle reflète les idées des écrivains.
Comme dans toute leur oeuvre, ce roman donne l'occasion à S&W de dénoncer l' évolution de la société suédoise. La hiérarchie policière incompétente veut des résultats rapides pour éteindre les feux allumés par la presse. Il faut mettre sous les verrous un coupable désigné par la presse même s'il est innocent. Les journalistes sont présentés comme des hyènes qui au nom de la liberté de la presse arrangent la vérité pour gagner du tirage. La justice n'est guère mieux lotie: les juges ont habituellement le défaut de commencer à rédiger la sentence, pour gagner du temps pendant la plaidoirie de la défense.
Il n'est pas étonnant qu'une partie des Suédois se méfie de leurs institutions, en particulier les jeunes. Ils sont en effet les principales victimes des difficultés économiques, du chômage et subissent la répression policière.
Un grand roman.

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29 novembre 2010

La chambre close de Maj Sjöwall et Per Wahlöö. Editions Rivages/Noir

La chambre close de Maj Sjöwall et Per Wahlöö fait partie de la série des dix enquêtes menées par le commissaire Martin Beck, une suite de romans écrits à quatre mains entre 1965 et 1975. La série a été interrompue par le décès d'un de ses auteurs, Per Wahlöö, en 1975.

Le livre présente deux histoires en apparence sans lien direct entre-elles. Martin Beck, juste sorti d'un long séjour à l'hôpital reprend le dossier de la la mort d'un vieux solitaire, ancien manutentionnaire du port de Stockholm. L'enquête précédente a été bâclée, concluant au suicide la victime. L'origine sociale du défunt ne méritait pas de perdre son temps. Mais Beck trouve étrange qu'un individu puisse mettre fin à ses jours d'un coup de pistolet, sans que la police ait pu retrouver l'arme du crime. L'affaire apparaît d'autant plus étrange que la victime vivait barricadée dans son modeste appartement, dans un chambre close de l'intérieur. Parallèlement à cette affaire, la police enquête sur un braquage commis dans une agence bancaire. Une jeune femme blonde a fait main basse sur une coquette somme et tué accidentellement un client. Le procureur "Bulldozer" Olson est persuadé que derrière ce hold-up se cache une paire de malfrats récemment sortis de prison. Les deux affaires apparaissent liées : c'est la même arme qui a tué le manutentionnaire et le client de la banque.


Le polar permet aux auteurs de passer au vitriol la société suédoise du début des années 70. C'est la fin du modèle suédois tant vanté, l'économie s'essouffle, le chômage progresse et avec lui la délinquance. S&W analysent le parcours de la jeune femme devenue braqueuse. Ils expliquent en quoi la société est en partie responsable. La police est commandée par des technocrates qui passent leur temps à falsifier les statistiques pour justifier les résultats, pour annoncer une criminalité en baisse. Elle s'avère surtout efficace pour réprimer les manifestations de l'extrême gauche, non pour résoudre les affaires criminelles. S et W dénoncent avec humour toutes les incapacités policières. Par exemple, la prise d'assaut par une armada de flics d'un appartement occupé par des truands donne lieu à une scène loufoque inoubliable digne des Marx Brothers.
S&W sont souvent présentés comme les fondateurs du roman policier suédois. Le commissaire Beck, la cinquantaine est un flic solitaire, divorcé, assez désabusé. C'est le précurseur de Wallender des romans de Mankell.
La fin du roman est surprenante. La police suédoise peut annoncer avec triomphalisme la résolution des affaires. La réalité est toute autre. Un roman pour tous les amateurs de polar, scandinaves ou non.